La
vie politique est chaque jour décriée alors que nos hommes et nos
femmes politiques, s’acharnent à contrer la crise face à des
électeurs souvent paumés. Ils prédisent parfois la sortie du
tunnel … de la crise économique, parfois sans trop y croire.
Pourtant chacun pourrait savoir qu’il s’agit d’une crise
structurelle profonde, dans notre rapport avec les pays émergeants
que le bout du tunnel ne sera pas, ne se fera pas, ne se verra pas,
sans un changement profond des modes de vie et des mentalités.
Il
ne suffit pas de présenter une sortie du tunnel, à « des sujets »
inquiets. Cette notion filtre depuis des années dans la démarche de
Pierre Rosanvallon : La politique ne peut se contenter de distribuer
l’argent sans modifier les rapports humains. Pour modifier la
structuration de la société réelle, la politique doit … bien sûr
… porter en elle une ouverture vers l’égalité des chances,
comme « Le temps des cerises » fredonné en cachette, donnait à
nos grand-mères un avenir meilleur. Mais cela n’est pas suffisant.
La démarche « citoyenne » de Pierre ROSANVALLON a pour objectif de
« redonner un socle à la démocratie » et d’éclaircir ce débat
dans notre société. La rupture est flagrante entre le monde
politique et la société.Pierre Rosanvallon note que la société
française se désagrège, se fragmente dans une sorte de dépression
faite de tristesse d’intolérance, de non respect des autres et de
leurs différences.
Avec
l’affaire « Dieudonné M’balla M’Balla » chacun sent bien que
les déchirements sont profonds entre les communautés. Nous
assistons à l’expression lourde d’une accumulation des
frustrations, sans percevoir le début même d’une solution
acceptable pour « le corps social ». La société finit par ériger
des boucs émissaires causes de tous les maux. Petit à petit, une
dérive démocratique s’installe sur fond de légitimation de
l’extrême droite et du Front National dans le paysage politique
français.Mais ne nous focalisons pas trop sur cet évènement
médiatique.J’ai souvenir de la fin du quinquennat de Nicolas
Sarkozy. Régulièrement les informations jugées brulantes par la
presse provoquaient chaque fois des dispositions législatives et/ou
réglementaires, l’objectif inavoué étant de surfer sur la vague
de la popularité audiovisuelle.
D’un
autre côté, combien ai-je rencontré de responsables politiques
croyant la fin du monde arrivée dès lors qu’une information
négative ou nuisible était reprise dans la presse locale ou
nationale. Il s’agit là d’une méconnaissance flagrante du peu
d’influence de la presse dans notre société.Nous voyons en plus
dans la « presse people » que c’est souvent par le petitesse, par
des traits de vulgarité que les stars et les vedettes participent
confusément à la vie commune des gens.Beaucoup de professions,
beaucoup de situations, beaucoup de vies et de souffrances passent
inaperçues et ne suscitent aucune attention. C’est alors que de
nombreuses situations parfois parfaitement typées ne font l’objet
d’aucune question sociale.
Alors
la vie politique trop souvent ne tient compte, que de ceux qui savent
s’organiser ou qui ont un accès facile aux médias.La
méconnaissance de la société laisse la place à un langage
politique qui parle d’un monde irréel, fortement imprégné par
l’imagination débordante des orateurs et fréquemment par des
idéologies galopantes. Ils lancent alors la lente mécanique de leur
perte. En effet, une expression fidèle de la société est le plus
sûr moyen de gagner une élection.Cette rupture entre le monde
politique et la société s’explique aussi par une plus grande
professionnalisation de la vie politique au détriment de
l’engagement bénévole. A vouloir faire de toutes les activités
humaines un métier, un affairement à temps plein, on dissocie par
exemple les enfants footballeurs des clubs professionnels, le théâtre
amateurs des compagnies patentées, les élus nationaux et locaux des
électeurs discrets. C’est ainsi que naissent les aristocraties :
C’est lorsque le citoyen, vêtu en sujet de sa majesté, est devenu
invisible.Alors Pierre ROSANVALLON est catégorique : il faut
reconstruire une « représentation-narration « pour que l’idéal
démocratique reprenne forme. Il vaudrait même parfois mieux que les
personnes concernées parlent d’elles-mêmes.Prenons donc le risque
avec lui, que cela soit moins bien dit, prenons le risque de leur
vérité, ne craignons pas leur liberté d’expression. Avec
l’essoufflement des idéologies nous entrons dans une autre époque.
Goutons l’émergence de cette politique du réel dont nous
percevons déjà le filigrane.Pierre Rosanvallon conforte cette idée
simple qui éclaire la vie politique française.L’invisibilité »
des citoyens alimente le désenchantement vis à vis de l’homme ou
de la femme qui œuvre en politique. Une société en manque de
représentation se perd dans la passivité, parfois dans l’angoisse,
toujours dans la peur.Nous avons des outils pour cela.Le Général de
Gaulle par exemple au lendemain des évènements de Mai 1968, l’avait
bien compris. Il relançait l’idée de participation.
Il
fallait une grande ambition pour galvaniser les travailleurs, et
cette grande idée serait porteuse d’une transformation de la
société et des rapports humains. Malheureusement le temps et la
conjoncture ne lui ont pas permis de préciser cette avancée.Donner
la parole aux citoyens, les rendre visibles, c’est en effet aider
des individus à se mobiliser. Sortir de l’ombre, de l’anonymat
nous dit Pierre Rosanvallon, c’est assurément pouvoir inscrire sa
vie dans des éléments de récit collectif. Car être représenté,
ce n’est pas seulement voter et élire un représentant, c’est
voir ses intérêts et problèmes publiquement pris en compte, ses
réalités vécues et exposées. »
Nous
devons aujourd’hui relancer l’idée forte de La Participation,
mais nous pouvons aller plus loin … que la bien modeste répartition
de dividendes … que cette autre répartition du revenu national
chère à Pierre Mendes France …et encore plus loin que la
singulière gestion participative des affaires publiques. L’objectif
est de passer d’une démocratie électorale qui s’exprime par
intermittences à une démocratie permanente…. parce que le
militantisme politique doit proposer pour séduire, mais aussi
s’obstiner avant tout à faire évoluer la société.
Pierre
DARD
Notes
de lecture : « Le Parlement des invisibles » Le Seuil – Pierre
ROSANVALLON
Oui Pierre ROSANVALON à raison. C'est un observateur avisé de notre époque.
RépondreSupprimerPour ma part je me souviens d'avoir lu dans le nouvel observateur pas plus tard que la semaine dernière
un article de chercheurs de la NASA sur "pourquoi les civilisations disparaissent-elles ? et en conclusion
figurait en bonne place les inégalités.
Le pouvoir a été transféré aux banques, et grosses fortunes. Tous le monde parle de changement, mais
le seul changement qui pourrait être crédible, c'est de reprendre le pouvoir à la finance.
Alors il y a du boulot...